Nous reprenons l'attention au souffle, cherchant le mouvement
de toute la respiration, peut être en ressentant comment le
souffle touche tous nos organes, touche l'espace intérieur.
Appréciez votre bien-être. Installez-vous, prenez
une bonne posture. Permettez-vous de laisser de côté
tout ce que vous avez expérimenté aujourd'hui, sans
craindre que cela disparaisse. Il ne faut plus que nous le saisissions,
nous pouvons nous permettre de le laisser de côté,
sans le repousser, tout simplement l'abandonner dans le moment présent.
Quand nous nous libérons volontairement et délibérément
du connu, c'est à dire des images que nous avons d'aujourd'hui,
des recueils de nos états, des rencontres, peut-être
de quelques idées, précieuses bien sûr, cela
nous permet d'entrer plus consciemment dans ce qui est maintenant.
Permettez que cela s'en aille pour le moment. Si c'est tellement
précieux, cela reviendra, ne craignez pas.
Et en vous libérant de tout ça, vous allez entrer
plus consciemment dans cette situation, ici, maintenant.
Prenez note du fonctionnement de vos sens : ce que vous sentez,
ce que vous ressentez, ce que vous écoutez, vos expériences
tactiles. Constatez le climat général : plein d'énergie,
somnolent, ennuyé, anxieux, quoique que ce soit, notez le
sans analyser, sans vous y mêler.
Et puis reprenez le souffle comme objet, reprenez le va et vient
des sensations dans le ventre, la dilatation, la contraction de
la poitrine, peut-être le sens du toucher quand l'inspiration
commence dans les narines. Choisissez comme région de votre
attention, l'endroit, quel qu'il soit, - nez, poitrine, ventre-
où la sensation est la plus concrète, la plus tangible.
Vous permettez à l'esprit de s'y placer. Votre attention
reste accueillante et les sensations viennent, les sensations s'en
vont, vous restez, vous constatez leur apparition, leur changement,
leur petit climat et puis leur disparition. Constatez leur profondeur,
leur rythme, leur texture, la vitalité qui s'y cache.
Une immense simplicité dans tout ça !
Permettez à l'esprit de se réunifier, protégez
le contre toute distraction, contre tout ce qui l'éloigne
du présent, de votre accueil des sensations corporelles liées
à la respiration. Soyez clair, soyez déterminé
à le garder, à le protéger, permettez-lui de
se rassembler. Notez bien que ce n'est pas nous qui le rassemblons,
l'esprit comprend ce qu'il doit faire. Quand nous le protégeons,
quand nous l'empêchons de se noyer dans les sens, dans les
pensées, dans les images, quand nous le protégeons
de telle manière, il sait très bien quoi faire pour
s'unifier, il sait très bien devenir calme, devenir paisible,
devenir transparent.
Ce simple mouvement d'une inspiration, de s'ouvrir à cette
inspiration, et dans une expiration, de permettre que l'air qui
nous nourrit nous quitte, démontre de grands mouvements universels.
Ouvrir, accepter, puis redonner, laisser, lâcher prise.
Si vous regardez un peu autour de vous, vous voyez que toute forme
d'expérience dans votre vie demande une telle attitude, demande
que vous soyez prêt à vous ouvrir, à risquer
quelque chose, à devenir vulnérable, pour qu'autre
chose puisse se présenter, puisse se manifester, puisse vous
toucher. Et puis normalement, sans que vous ayez beaucoup à
dire à ce sujet, il y a un moment où il vous faut
lâcher prise, quoique bien, quoique heureuse que soit l'expérience,
il y a un moment où cette expérience passe. Il y a
quelque chose qui change, il vous faut lâcher prise ! Vous
pouvez lutter un peu mais, même si vous luttez beaucoup, on
va quand même vous l'enlever ! On apprend à lâcher
prise avant que les choses ne nous soient arrachées.
Les mouvements de l'inspiration et de l'expiration symbolisent
l'expérience fondamentale de notre vie.
Egalement, dans notre dépendance à la respiration,
nous pouvons reconnaître la caractéristique de la conditionnalité.
Nous dépendons des choses, nous dépendons de cette
respiration. Les choses ne sont pas stables, ce sont des données
et des conditions qui changent et dont nous dépendons fortement.
Cet aspect peut se voir dans la respiration : l'air que nous respirons,
en tant qu'élément, nous démontre l'impersonnalité
de ce processus. Ce n'est pas mon air que j'inspire et que j'expire,
je partage ce que j'inspire et ce que j'expire, je partage cet oxygène
avec tout le monde, même avec ceux que je n'aime pas !
Presque tous les êtres, presque toutes les formes de vie
sur cette planète échangent un peu de gaz avec leur
environnement ; nous ne sommes pas du tout seul. Nous pouvons reconnaître
là, l'élément de l'impersonnalité.
Et finalement, dans le va et vient de la respiration, du souffle,
nous reconnaissons l'impermanence, le fait que nous sommes dans
un échange continuel. Quoique parfaite soit votre inspiration,
vous ne pouvez pas arrêter ce moment là, le processus
continue, avec une expiration inévitable. Nous pouvons aussi
reconnaître que la mesure avec laquelle nous bloquons la respiration,
nous intervenons est plus ou moins en corrélation avec la mesure
dont nous bloquons le courant de notre vie. Nous pouvons reconnaître
les blocages qui se présentent dans notre vie à peu
près dans les blocages qui se présentent dans notre
respiration. Il y a de forts liens entre les deux.
Nous prenons note de ce mouvement, ce mouvement primordial, ce
mouvement universel et le prenons pour refuge. Prenons le comme
base de notre exercice, de notre pratique, pour nous mettre en contact
avec nous même, pour prendre soin de nous. Nous prenons contact
avec notre respiration, elle va nous dire si nous sommes excités,
si nous sommes anxieux, si nous sommes stressés.
Si nous sommes calmes, notre respiration va nous le raconter.
Et puis elle nous donne les moyens de transformer tout ce que nous
expérimentons. Il nous est possible de devenir plus calme, plus
transparent, plus relâché, plus clair, à travers
la respiration, par le simple mimétisme que, lorsque nous
restons assis, calme, la respiration se calme. Quand nous prêtons
notre attention à ce mouvement calmant, l'esprit va se calmer
de même.
Nous prenons cette respiration comme une corde, et puis nous nous
permettons de nous pacifier, de glisser et doucement, sans pousser,
sans forcer, d'aller vraiment avec cette corde, jusqu'au fond de
la nature vraie des choses.