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Le développement de l'amour-bienveillant (metta bhavana)

par

Vénérable Sujiva


Chapitre 3. Commencer la pratique de l'amour-bienveillant
Les différentes postures du corps
Se donner metta à soi-même
Rayonner metta vers une autre personne
Eveiller metta à partir de ses vertus ou de ses qualités
Eveiller metta à partir des événements qui inspirent metta
Les souhaits mentaux
Trois principes

Biographie de Vénérable Sujiva et Table des matières complète du livre


Chapitre 3. Commencer la pratique de l'amour-bienveillant

Les différentes postures du corps

Il n'existe pas de posture dans laquelle vous ne pourriez pas envoyer des pensées de metta. Dans les exercices intensifs de metta, on rayonne de l'amour-bienveillant tout le temps dans n'importe quelle position -- que l'on soit debout, en marche, assis ou (si on ne dort pas) couché.

Habituellement, l'assise est alternée avec la marche. Petit à petit, l'assise est renforcée.

Lorsque l'on rayonne metta en marchant, on ne fait pas attention aux sensations ou aux phénomènes impliqués dans le processus de la marche comme dans vipassana. On rayonne en marchant tout simplement. Avec la concentration qui devient plus intense, la marche devient naturellement plus lente. Parfois, il se peut que l'on reste debout, immobile, en rayonnant. Lorsque le flux de metta cesse, il faut s'arrêter pour le faire naître à nouveau. La nature active de la marche est liée à la faculté de l'énergie, et contribue ainsi à l'émergence et au maintien du flux de metta, c'est-à-dire le premier et le second facteur jhanique (l'application initiale et l'application continue, vitakka et vicara). La période suggérée pour la marche est une heure. C'est aussi un bon exercice pour la santé physique.

La meilleure posture est l'assise en lotus avec les jambes croisées, la plante des pieds vers le haut. Le dos est droit et les mains sont sur le giron avec les paumes les unes sur les autres, vers le haut. Parce que la plupart des gens ne peuvent pas résister à la tension aux chevilles, la plupart adoptent le demi-lotus, une jambe croisée au-dessus de l'autre. Une autre variation est la posture birmane où chaque jambe est pliée mais pas l'une sur l'autre. Il y a aussi d'autres postures, des postures de côté, etc. En général, la posture doit être équilibrée, le dos droit et les jambes pliées. Cela contribue à garder l'esprit alerte tout en gardant le corps relativement confortable. Dans la méditation Samatha, c'est tout à fait essentiel, en particulier pour commencer, après quoi, on ne devra pas changer de posture mais rester immobile pendant de longues périodes.

Nous pouvons essayer de le faire en relaxant le corps de la tête aux pieds et des pieds à la tête, partie par partie, et en partant de l'extérieur du corps, la peau, jusqu'à l'intérieur, les os et les organes. Ensuite, nous devons prendre la résolution de mettre toutes nos préoccupations quotidiennes de côté pendant la période de la méditation. Toutes ces affaires doivent être mises de côté ! C'est maintenant le moment de méditer ! Si l'on est suffisamment décidé la plupart des pensées peuvent être écartées. Ensuite, assurons-nous que l'esprit est relaxé et paisible. Nous maintenons également une conscience ou une attention, sinon on tombe dans la somnolence.

Après s'être assis dans la posture désirée, on devrait rester immobile dans une relaxation absolue, au point que le corps soit ressenti comme mort et sans aucune tension. Le corps est comme absent.

Se donner metta à soi-même

Ensuite, nous pouvons commencer à se donner à soi-même du metta. Essayez de le faire d'une façon très douce, ou autrement de la tension ou de l'agitation pourrait apparaître en même temps. Chaque pensée de metta est comme une petite bulle subtile et douce, ou comme de la brume se diffusant hors de l'esprit. De cette manière, nous pouvons préserver et augmenter la tranquillité.

Parfois, certaines personnes pensent que se donner du metta à soi-même est égoïste. C'est parce qu'ils ne comprennent pas l'état d'esprit dans lequel c'est fait. C'est en fait un souhait sincère et non-égoïste de progresser sur le chemin spirituel. C'est-à-dire d'être plus heureux et en meilleure santé pour mieux pratiquer, car on peut alors abandonner la colère et tous les états mentaux malsains avec cette pratique.

On fait alors ces souhaits ou ces aspirations les uns après les autres, et en les laissant couler profondément dans l'esprit, ce qui crée des effets en profondeur. Il ne s'agit pas seulement de réciter mentalement les mots, mais de faire sincèrement le souhait en comprenant bien la signification ou l'idée.

Ces mots sont :

  • avero homi - (Que je puisse être libre de l'inimitié)
  • abyapajjho homi - (Que je puisse être libre de la souffrance mentale)
  • anigho homi - (Que je puisse être libre de la souffrance physique)
  • sukhiattanam pariharami - (Que je puisse prendre soin de moi de façon heureuse)

C'est fait pendant les cinq premières minutes (de l'assise) qui devraient durer au moins une heure.
Cela répond à plusieurs buts :

  • I. Bien se préparer mentalement.
    Cela implique d'avoir l'objectif pur d'inclure la vie dans tous ses aspects. Cela comprend les moyens d'existence justes, la moralité, etc. Si ce n'est pas fait, il y aura sûrement des conflits pendant ou en dehors de la méditation.
  • II. La motivation.
    Après avoir vu le besoin pour soi-même d'être vraiment heureux, on peut mieux comprendre alors le besoin des autres d'être heureux. Cela permettra de motiver et de faciliter la diffusion de metta vers les autres.
  • III. Sert de concentration préliminaire.
    Il est plus facile d'éveiller ce souhait sincère pour soi que pour les autres. Cela facilite la concentration qui peut ensuite se développer avec la pratique à des niveaux plus profonds.

Rayonner metta vers une autre personne

Après cela, nous pouvons rayonner metta vers une autre personne. Selon nos relations au moment de commencer la méditation, les individus peuvent être classés en cinq catégories :

1. extrêmement intime (atipiya)
2. aimable (piya)
3. indifférent (majjhata)
4. déplaisant (apiya)
5. hostile (veri)

En choisissant un individu comme objet initial de metta bhavana, il est conseillé de choisir le second, l'individu aimable, car metta apparaît facilement. Le premier peut faire apparaître de l'attachement, le troisième peut poser quelques difficultés, et le quatrième et le cinquième peuvent faire apparaître de la colère. Il est également conseillé de ne pas choisir le sexe opposé car cela peut engendrer de la convoitise. Quand est-il de sa propre mère (pour l'homme) ou de son propre père (pour la femme) ? Ce n'est pas non plus conseillé car l'esprit instable peut passer à une autre personne du sexe opposé. L'autre individu déconseillé est le mort. Cela ne produit pas de concentration profonde étant donné que la personne n'est plus présente.

L'individu aimable devra donc être en vie et du même sexe. " Aimable " veut dire que la presonne inspire du metta en vous le moment où vous pensez à elle. Il sera probablement quelqu'un qui a lui-même beaucoup de metta en plus de beaucoup d'autres vertus comme la moralité, la concentration, la sagesse, la patience, l'humilité, etc. C'est quelqu'un que vous considérez avec beaucoup de respect et d'amitié. Quelqu'un que vous appelez un(e) vrai(e) ami(e). Ce serait encore mieux si vous l'avez connu depuis un certain temps et que vous avez passé beaucoup de moments et d'événements ensemble avec peu ou pas d'incompréhensions. Vous pouvez faire appel à toutes les bontés qu'il a eu pour vous, de même que tous les événements joyeux dans le passé pour éveiller metta.

Quand vous avez choisi l'individu, cela devra être le sol et la source à partir desquels votre metta devra prendre ses racines profondément et se répandre plus loin ailleurs.

Eveiller metta à partir de ses vertus ou de ses qualités

La cause immédiate de metta est la personne ou l'être aimable. Nous devons donc voir l'aspect favorable de la personne ou de l'être. Une façon de le faire est de penser à ses vertus ou à ses bonnes qualités. Nous pouvons par exemple énumérer :

  • 1. plein de compassion (v1)
  • 2. compréhensif (v2) ; etc.

Plus il y a de qualités, mieux c'est. La simple pensée d'une de ces qualités inspirera du metta.

Par exemple lorsque nous pensons à v1 (vertu 1) metta apparaît. A chaque fois que cela retombe, nous pouvons utiliser v1 pour réveiller metta à nouveau. Après quelques temps, v1 peut ne plus être efficace (pour le moment), nous utilisons alors v2 pour faire apparaître metta. Nous continuerons ensuite à utiliser v2 pour maintenir metta. Quand cela perd de son efficacité, nous pouvons retourner à v1 à nouveau. On peut ensuite continuer à faire apparaître metta ainsi jusqu'à ce que ni v1 ni v2 ne semble plus marcher. Nous continuons alors avec v3.

Eveiller metta à partir des événements qui inspirent metta

Une autre méthode est de se rappeler les événements associés au caractère aimable de la personne, qui inspirerons du metta. Cela peut être de l'aide qu'elle a donnée, des cadeaux ou bien simplement des mots gentils et doux. On évitera naturellement de se rappeler les moments déplaisants. Nous pouvons énumérer à nouveau les événements :

  • 1. de l'aide (e1)
  • 2. des mots gentils et doux (e2)
  • 3. des conseils (e3)
  • 4. des cadeaux (e4) ; etc.

Nous pouvons appliquer le même principe que celui de l'utilisation des vertus pour faciliter l'apparition de metta.

Quand metta apparaît, il doit être sincère et venir du fond du cœur. Il faut encourager metta à diffuser abondamment et librement sans inhibition. Il n'y a rien de mauvais dans le fait de donner metta à n'importe qui sauf qu'il doit être donné d'une façon appropriée, avec sagesse, et protégé contre l'attachement.

Les souhaits mentaux

Lorsque metta apparaît, on l'encourage en utilisant quatre aspirations.

  • 1. Qu'il (elle) puisse être libre d'inimitié / de danger
  • 2. Qu'il (elle) puisse être libre de souffrance mentale
  • 3. Qu'il (elle) puisse être libre de souffrance physique
  • 4. Qu'il (elle) puisse prendre soin de lui-même (d'elle-même) de façon heureuse

Trois principes

Le principe est que lorsque nous faisons chaque aspiration, nous le faisons avec metta. Cela maintient un sentiment continu de metta. Il est aussi important que nous comprenions clairement la signification de ces aspirations et le ressentions sincèrement. Avant que le metta de la première aspiration diminue, nous la faisons persister en utilisant la prochaine. Lorsque nous avons utilisé la quatrième aspiration nous recommençons avec la première. Cela peut durer ainsi indéfiniment.

Le second principe est que lorsqu'une aspiration, par exemple " Qu'il (elle) puisse être libre d'inimitié ", est efficace et peut produire du fort metta qui peut durer longtemps, nous pouvons laisser ce flux continuer aussi longtemps que possible, auquel cas il continuera à s'approfondir. Nous pouvons aussi réciter mentalement la phrase trois fois par exemple pour favoriser la concentration de l'esprit . Cependant, si l'aspiration n'est pas très efficace, nous pouvons la sauter ou passer dessus très rapidement.

Un troisième principe est que l'on peut mettre un accent plus positif à chaque aspiration.

1. Qu'il (elle) puisse être libre d'inimitié /de danger.
L'inimitié peut se référer à l'inimitié à l'intérieur (l'impureté mentale) ou à l'extérieur (de l'agressivité mentale ou physique ). Un accent plus positif serait " Qu'il (elle) puisse avoir beaucoup d'amour-bienveillant ". Nous pouvons aussi utiliser le souhait " Qu'il (elle) soit en sécurité ". L'inimitié peut aussi signifier n'importe quel élément dangereux ou nuisible (impureté mentale, résultas d'un mauvais kamma portant ses fruits) ou à l'extérieur (catastrophes, accident, etc.)

2. Qu'il (elle) puisse être libre de souffrance mentale
La souffrance mentale est liée à l'angoisse mentale, la peine, les frustrations, les peurs, le désespoir, l'irritation et tous les types d'impuretés qui sont présentes sans fin, de même que le caractère insatisfaisant de l'existence conditionnée. Un souhait positif pour cette second aspiration serait " Qu'il (elle) puisse avoir un esprit paisible et heureux ".

3. Qu'il (elle) puisse être libre de souffrance physique.
La souffrance physique inclut toutes les formes d'inconfort physique jusqu'à la maladie. Ce souhait peut être aussi formulé ainsi " Qu'il (elle) puisse être en bonne santé physique et fort . "

4. Qu'il (elle) puisse prendre soin de lui-même (d'elle-même) de façon heureuse.
Cela veut dire que nous souhaitons qu'il ou elle puisse faire toutes les activités de la vie ou de maintien de la vie comme se réveiller, manger, prendre soin de ses moyens d'existence, s'occuper des enfants ou de sa femme, de la maison, se reposer, avoir des activités spirituelles et même dormir paisiblement. Cette dernière aspiration est en elle-même formulée positivement. Une variante négative serait " Qu'il puisse ne pas avoir d'ennuis, de problèmes, d'obstacles, et prendre soin de lui-même [et qu'il puisse surmonter les obstacles, les problèmes ou les ennuis lorsqu'ils surviennent avec patience, courage et détermination] .

Cela a vraiment un effet psychologique différent, plus intense dans le souhait que la formulation négative qui tend vers la compassion et l'annulation de la souffrance. Cela vaut donc la peine de prendre cela en considération.

Une alternative possible serait d'utiliser les deux types de souhaits, ce qui augmenterait le nombre d'aspirations de quatre à huit. Toutefois, il faut remarquer que trop d'aspirations n'est pas bénéfique pour la concentration chez le débutant. Nous en resterons donc à quatre aspirations.

Une autre modification possible est de spécifier le souhait, par exemple " Qu'il /elle puisse être libre de la maladie mortelle du cancer qui l'afflige ", ou peut-être même seulement un seul souhait qu'un fils réussisse dans ses études. Il existe donc beaucoup de souhaits spécifiques et ils ne sont pas applicables tout le temps à tout le monde. Néanmoins c'est un souhait sain de metta qui aura ses effets lorsqu'il est fait avec une concentration forte et profonde.

Au début, le flux de metta n'est pas sans aspérités et ne dure pas longtemps. On doit éviter de réciter simplement l'aspiration sans sentiment. On doit éviter de penser de façon non contrôlée en éveillant metta car cela amène à l'agitation. Il est donc important que l'attention soit présente lorsque ces empêchements apparaissent.


Mise à jour le 7 juin 2003.